Vous avez remarqué ? Toutes ces entreprises du web que l’on utilise tous les jours et dont les noms se transforment en verbes d’action, ont des logos bleus, sinon à dominante bleue.

Le bleu est la couleur préférée des occidentaux. C’est une couleur calme, apaisante à leurs yeux.
Est-ce qu’en Chine le web est rouge ?

Michel Pastoureau, historien des blasons et couleurs (et qui « n’aime pas » le violet, mais je ne lui en veux pas ;o), vous parlera de cela bien mieux que moi. Dès le premier chapitre de son ouvrage Le petit livre des couleurs1, le bleu est à l’honneur :

Comme il est docile, comme il est discipliné ! Le bleu est une couleur bien sage, qui se fond dans le paysage, et ne veut pas se faire remarquer. Est-ce pour ce caractère si consensuel qu’il est devenu la star, la couleur préférée des Européens et des Français ? [...] Le voilà désormais canonisé, plébiscité, officialisé. Devenu, en Occident, garant des conformismes, il règne sur les jeans et les chemises. On lui a même confié l’Europe et l’ONU, c’est dire s’il nous plaît !

Ce doit donc être pour nous rassurer, que ces logos et interfaces web prennent la teinte du ciel. Un grand bol d’air, on respire... et de petits clouds passent... zen, quoi.

C’est peut-être aussi pour ne pas faire de vague ? Histoire de naviguer en toute quiétude sur une belle mer bleue... C’est beau non ? Ça ne vous fait pas rêver ?

Bon, d’accord, pour surfer, c’est pas tip-top... mais qui surfe2 de nos jours ? Qui flâne de site en site au gré des liens hypertextes (non commerciaux) proposés par les rédacteurs ? Qui sait se servir de son bateau-navigateur sans mettre le pilote automatique sur gogueul, touiteur ou fesse-bouc ?

L’univers de l’information virtuelle tend à se rétrécir autour de ces quelques centres ; avec plus d’un milliard de sites3, l’immense océan du web se restreint pour beaucoup à quelques parcs d’attractions : tout passe par là, les recherches personnelles ou professionnelles, la famille, les amis...

La virtualisation de nos usages est un enjeu commercial dont nous sommes les produits. Et quoi de plus normal que de paraître consensuelles et raisonnables pour ces Grandes Marques ? Donneriez-vous sans broncher vos données personnelles à une société dont l’image est noire ?

Pourtant, c’est bien vers cette tonalité où pourrait se diriger le web. La grande masse des internautes ne gravite plus qu’autour de rares astres d’apparence bleue et uniforme... ce que l’on appelle en astrophysique, un trou noir.

Toujours rassuré-e ? (^_~)

P.-S.

L’image du trou noir est très bien expliquée dans la conférence de Sud Web 2011 Où va le web ?

Et pour comprendre les enjeux, voyez l’action de Framasoft

Notes

1 : Co-écrit avec Dominique Simonnet, aux éditions Points

2 : D’ailleurs, ça se dire encore ?

3 : Octobre 2014, voir le site de Netcraft